Nice-matin : Charles-Ange Ginésy : « Le choix de la proximité »
Le Député de la 2ème circonscription (depuis 2012) ne se représente pas. Non sans déchirement il a préféré privilégier son ancrage local avec en ligne de mire la présidence du Département.
Il le dit et on veut bien le croire, sa décision de ne pas se représenter aux législatives est un crève-cœur pour Charles-Ange Ginésy. D’autant que le député-maire de Péone-Valberg et premier vice-président du conseil départemental n’aura finalement siégé que cinq ans à temps plein au Palais-Bourbon, même s’il y avait déjà fait plusieurs incursions dans les années 2000, à la faveur des passages ministériels de Christian Estrosi, qu’il avait alors suppléé à l’Assemblée. Mais Charles-Ange Ginésy, authentique élu de terrain ancré dans son territoire, a fait « le choix de la proximité ». Avec pour objectif, non avoué mais légitime, la présidence du Département qu’Eric Ciotti devra abandonner s’il est réélu député. Un Département que son père, le sénateur Charles Ginésy, a lui-même présidé de 1990 à 2003, y siégeant quarante-deux ans sans discontinuer à partir de 1961.
Visiblement, votre décision a été délicate à prendre, non ?
Effectivement. En raison de mon attachement à cette circonscription qui n’existait pas avant 2012. On y a lié pour la première fois le comté de Nice et la Provence, des cultures et des territoires très différents. Au départ, j’étais un peu en questionnement et mes contacts initiaux en pays grassois ont été difficiles, on me faisait sentir que j’étais un « Niçois ». Il a donc fallu que je donne de la cohérence à ce territoire et je pense y être arrivé, notamment grâce à une forte présence sur le terrain. Et sincèrement, j’ai aujourd’hui une affection profonde pour cette circonscription. Quitter ce mandat est un déchirement. Mais j’avais aussi le souci de passer le témoin à un équipage solide. Et celui constitué par Anne Sattonnet et Jérôme Viaud [comme suppléant, ndlr] a fini de conforter ma décision.
Vous n’aurez été député à part entière que cinq ans, c’est peu…
Je pense que ça va me manquer. À travers des textes de loi comme ceux sur la montagne ou la transition énergétique, j’ai eu le sentiment de travailler au service des territoires du moyen et haut pays. Mais quand je compare ces travaux aux projets que l’on peut réaliser comme acteur de terrain, comme conseiller départemental, que ce soit le prolongement de la pénétrante Canne-Grasse, l’aménagement routier de la plaine du Var ou la lutte contre les inondations, j’ai la satisfaction, ici, de voir sortir des projets et de réaliser des choses concrètes qu’on ne fait pas à Paris. Entre les deux, le choix s’est donc imposé, mon attachement aux territoires ruraux étant un combat de longue date. Tout cela a pesé lourd dans ma décision, en me convainquant de continuer à vouloir être un acteur de terrain. Mon mandat de maire de Péone-Valberg me permet, en outre, de diriger l’Association nationale des maires des stations de montagne, de présider le Parc national du Mercantour. Je ne veux pas perdre ces mandats auxquels je suis très attaché pour un poste de député, même si celui-ci est valorisant, au cœur du réacteur nucléaire législatif.
Vous regrettez la loi sur le non-cumul des mandats. Mais les Français ont, semble-t-il, envie du renouvellement qu’elle va susciter…
On aurait pu avoir une loi sur le non-cumul mieux rédigée. Un député ne pouvait déjà pas cumuler deux exécutifs, mais il pouvait cumuler deux mandats locaux, notamment rester maire. Aujourd’hui, l’excès auquel on est arrivé pousse quelqu’un comme moi à ne plus pouvoir être député et maire d’une commune de moins de mille habitants telle que Péone. On va envoyer à l’Assemblée des parlementaires déconnectés, qui feront de la gestion administrative sans avoir un rattachement territorial. Je reconnais que ça apportera un sang neuf, ce sera le cas avec Anne Sattonnet et Jérôme Viaud. Mais on aurait pu le faire en interdisant juste aux parlementaires d’être à la tête d’exécutifs ou de très grandes villes. Il y a une aberration dans cette loi. Empêcher un député d’être vice-président du Département est ainsi une hérésie. La loi a manqué de différenciation. La précédente marquait des différences avec des seuils d’habitants. Le législateur a voulu aller très loin et il est allé trop loin. Un mandat de député sec va nous donner des députés hors sol. Et les territoires de montagne tels que le mien n’auront plus de parlementaires. J’espère qu’il y aura un retour de balancier dans les années à venir.
Ce qui vous motive, c’est d’accéder à la présidence du conseil départemental ?
Ce n’est pas le tempo. On est au cœur des législatives. Je pense qu’Eric Ciotti, qui est un brillant président du Département et un brillant député, sera réélu sans problème. Mais ce n’est pas pour cela qu’on doit déjà entamer le débat sur sa succession au Département. Le temps viendra d’en parler. Il faudra respecter la démocratie et réunir les conseillers départementaux autour du président sortant pour choisir celui qui lui succèdera. Comme cela vient e se passer pour la succession de Christian Estrosi à la Région. Il est vrai que tout le monde me regarde parce que je suis le 1er vice-président et que le choix que je fais démontre mon intérêt pour les mandats locaux et la proximité. Mais même s’il existait un risque qu’Eric Ciotti ne soit pas réélu député, j’aurais malgré tout fait ce choix.
Si vous devenez président du Département, vous devrez aussi renoncer à être maire de Péone…
Je serai effectivement obligé de quitter le poste de maire, mais je pourrai rester conseiller municipal.
Que vous inspirent les querelles internes chez les Républicains et la volonté de certains de rejoindre Emmanuel Macron ?
J’ai le sentiment que certains font preuve d’opportunisme, pour 90% d’entre eux, même si 10% sont sincères quand ils pensent qu’il existe une possibilité de grande coalition pour gouverner ce pays. Moi, je ne le crois pas. Le mariage de la carpe et du lapin, ça n’a jamais pu fonctionner. M. Macron doit gouverner avec ceux qui ont les mêmes idées que lui. Je ne peux pas imaginer que rentrent au gouvernement des gens qui n’ont cessé de critiquer son projet. Faire de la politique autrement, c’est aussi ne pas faire comme la girouette qui tourne avec le vent. Si on veut recoller à l’opinion publique, il faut rester droit dans ses convictions, on ne peut tout mélanger. Ceci dit, nous sommes moins bousculés que le PS, qui lui a explosé. J’espère que les législatives nous permettront d’aboutir à une cohabitation.